
Compte-rendu de la négo
La négociation n’a jamais autant stagné. La partie confédérale, qui voulait d’ailleurs reporter à 2023 le dépôt des demandes, utilise depuis quelques semaines toutes sortes de tactiques pour ralentir le processus. Pourtant, nous avons déposé des demandes bien ciblées dans la continuité des enjeux que nous proposions déjà lors de la négociation de 2019, laquelle s’est conclue de façon précipitée en raison du début de la pandémie. À la suite de plus de 40 rencontres en 2019 et 2020 et bientôt 20 séances cette année, il est inacceptable que la CSN ne soit pas en mesure de s’engager plus concrètement pour des enjeux aussi sérieux que notre charge de travail, l’accueil et l’accompagnement d’un grand nombre de nouvelles personnes salariées, les mouvements de main-d’œuvre, nos salaires et le télétravail.
Notre comité de négociation espérait que l’arrivée d’un conciliateur au dossier aiderait à accélérer les pourparlers, mais devant un employeur qui attend presque une semaine pour annoncer au conciliateur de ce changement majeur au dossier, la négociation continue de stagner. La possibilité d’une entente avant l’été est encore viable, mais une démonstration de notre propre volonté d’y arriver est nécessaire pour faire débloquer les mandats et forcer de réels retours patronaux sur nos propositions.
Ligne de temps
Le moment idéal pour hausser
le ton
L’assemblée des 29 et 30 avril est le moment propice pour intensifier notre mandat de moyens de pression et voter la grève. L’été est à nos portes et les prochaines semaines seront remplies d’événements importants dans toutes les composantes du mouvement. Une banque de cinq journées de grève nous donnerait le levier nécessaire pour faire entendre à la partie patronale que nous sommes sérieuses et sérieux dans nos démarches, que nous avons la capacité logistique et mobilisatrice de perturber les opérations de la Confédération et que nous sommes prêtes et prêts à user de ces journées pour nous faire entendre.

ABC de la grève
Pour plusieurs d’entre nous, l’assemblée générale des 29 et 30 avril sera une première expérience d’assemblée générale de grève. Il apparaît donc important de préciser certains éléments propres à la mécanique d’un vote de grève. Premièrement, le libellé proposé se lira comme suit :
Que le STTCSN intensifie ses moyens de pression et qu’il se dote d’une banque de cinq journées de grève à déclencher au moment jugé opportun.
Cela signifie que si ce mandat est adopté par l’assemblée générale, le comité exécutif du syndicat, avec l’appui des comités de négociation et de mobilisation, devra déterminer le moment le plus stratégique pour exercer des journées de grève. Il peut décider de subdiviser cette banque de journées selon son bon jugement, par exemple de déclencher une grève d’une demi-journée, une journée complète, plusieurs journées de suite, etc., pour un maximum de cinq jours au total. Plusieurs éléments sont à considérer lors de l’analyse qui permet de sélectionner les journées de grève potentielles, notamment le déroulement de la négociation et l’occurrence d’événements clés qui nous offrent des opportunités d’accroître notre rapport de force.
Fonds de grève
Par ailleurs, les membres du STTCSN ont eu la sagesse de se doter d’un fonds de grève en 1984, prestations que nous allons pouvoir toucher dans l’éventualité où nous décidions d’avoir recours à la banque de journées de grèves.
Les règlements pour l’admissibilité des membres aux prestations en cas de grève ou de lock-out sont les mêmes que les règlements appliqués par le Fonds de défense professionnelle (FDP) de la CSN, soit un montant maximal de 300 $ par semaine. En date du 28 février 2022, cette réserve comptait 1 246 000 $.

Des rendez-vous de mobilisation à ne pas manquer
La fin avril est un moment crucial que nous ne pouvons rater : il est certain que le moment jugé opportun pour appliquer ces journées de grèves ne viendra pas le jour de l’assemblée ni le lendemain, mais selon l’évolution de la négociation, en fonction du calendrier qui suivra cette assemblée générale. Remettre le vote de grève à plus tard revient à accepter de poursuivre la négociation à l’automne et peut-être même jusqu’en 2023, soit l’objectif avoué de notre employeur depuis le début. Le syndicalisme, c’est une prise de pouvoir des travailleuses et des travailleurs et non un relais des volontés des patrons. La CSN devrait comprendre, donner l’exemple et cesser ses tactiques gênantes.

Mener les luttes nécessaires
Devant les défis auxquels fait face la CSN et les nécessités de réformes dans l’organisation de notre travail, nous avons une responsabilité comme syndicalistes, mais aussi comme personnes militantes du mouvement de mener les batailles nécessaires pour le transformer et assurer sa pérennité. Nous avons la responsabilité, à l’instar de nos camarades qui se sont battus pour la parité et le travail en équipe, de faire accepter l’urgence d’agir à notre employeur et s’il le faut, à imposer le rythme.
Choisir la grève est une décision importante, et c’est parce que nous avons à cœur notre organisation que nous en sommes rendus là. Nous avons d’ailleurs raison d’être attachés à cette organisation syndicale historique qui a su, tout au long de son histoire, mener des luttes d’envergure. Les personnes salariées de la CSN ont aussi mené des luttes internes importantes et le modèle d’organisation du travail en équipe et d’autonomie professionnelle que nous chérissons est le résultat de la grève du STTCSN en 1980.
Des journées qui frappent
L’organisation est plus grande que ses dirigeantes et dirigeants certes, mais ce sont eux qui prennent actuellement les décisions. Nous devons mettre la pression qui forcera ces personnes à donner au mouvement les orientations essentielles que nous proposons.
L’idée d’une grève générale illimitée à ce moment-ci apparaît néfaste pour le mouvement et c’est pour cette raison que cette option n’est pas recommandée pour l’instant. Nous avons le devoir de saisir le rapport de force qui nous est offert pour augmenter notre force syndicale.
Ces cinq journées auraient non seulement un impact majeur si nous avions à les utiliser, mais surtout, nous sommes convaincus qu’avec ce type de mandat, la confédération prendra cette éventualité au sérieux et voudra l’éviter. C’est dans cette analyse stratégique et conjoncturelle que la recommandation de vote d’une banque de journées de grève est apparue comme la meilleure stratégie.

La mobilisation va trop vite ?
Plusieurs ont l’impression que la mobilisation avance trop vite, et que nous devons « donner la chance au coureur ». Bien que nous soyons sensibles à cette perception, une analyse rapide de la ligne du temps depuis 2019 nous révèle une image plus complexe.
Nous devons nous rappeler que cette négociation s’inscrit dans la continuation de celle de 2019, une négo que nous n’avons pas eu d’autre choix d’interrompre en raison de la pandémie. Au total, nous pouvons décompter plus de 40 sessions de négociation en 2019 et 2020, ce qui se traduit par des centaines d’heures de séances de négo à échanger avec nos vis-à-vis confédéraux.
À ceci s’ajoutent près de 20 séances pour la négociation actuelle, où nous en sommes essentiellement arrivés à négocier des protections contre la surveillance électronique et un alignement de notre convention avec les nouvelles dispositions légales sur les congés parentaux.
Voilà. Des centaines d’heures en 2019 et 2020 et près de vingt séances depuis janvier 2022 pour en arriver là. Qui plus est, nos vis-à-vis arrivent sans mandat, mal préparés, utilisant parfois même des documents désuets pour argumenter.
Nous jugeons qu’une telle absence de volonté à négocier est inacceptable dans n’importe quel milieu de travail, mais encore plus dans une centrale syndicale. Sommes-nous si blasés que l’on juge normal de consacrer tant de ressources pour négocier si peu ?

Approche de la fin du mandat du comité exécutif
Oui, il y a eu beaucoup de changements au comité exécutif de la CSN dans les dernières années, mais il faut aussi admettre que leur mandat tire déjà à sa fin. Le nouveau comité exécutif a eu du temps pour mettre la table afin de commencer à faire bouger les choses. Certes, il s’agissait d’un mandat particulier avec plusieurs démissions et une pandémie, mais nous avons tout de même vu peu d’avancées et de changements depuis leur arrivée en poste.
Mais rappelons aussi que plusieurs de nos vis-à-vis ont joué des rôles clés lors des négociations difficiles de 2019. À cette table de négo se trouvaient Yanic Beaudry, Josée Paradis et Nadine Lambert, à qui le comité exécutif a renouvelé sa confiance en janvier 2022 pour mener à terme cette nouvelle ronde, ainsi que Yvan Duceppe, le trésorier actuel de la CSN. Quant à eux, Nathalie Arguin, secrétaire générale, et David Bergeron-Cyr, deuxième vice-président, siégeaient sur le Comité confédéral des ressources humaines. À quel point faisons-nous affaire véritablement à de « nouveaux » joueurs au niveau confédéral ?

De plus, rien ne garantit que ces nouveaux seront réélus au prochain Congrès de la CSN en 2023. Si nous suivons cette logique, nous allons continuellement nous asseoir sur notre rapport de force afin de donner la chance aux nouvelles personnes élues.
Nous devons dépersonnaliser nos relations de travail. Ce n’est pas uniquement le départ de certains élu-es ou l’arrivée de nouveaux qui changera notre organisation du travail, mais plutôt la solidarité de nos membres qui choisissent de lutter pour améliorer notre sort.
Gradation des moyens de pression
- Intervention de la présidente du STTCSN et présence accrue de personnes salariées à la première journée du Conseil confédéral de mars 2022;
- Piquetage symbolique des salarié-es à la deuxième journée du Conseil confédéral de mars 2022 et distribution d’un tract aux délégué-es pour les informer de ce qui achoppe à la table de négociation;
- Coordination d’une réponse commune à un sondage discutable envoyé par la partie confédérale quelques jours après notre vote de moyens de pression;
- Affichage massif dans tous les bureaux de la CSN;
- Utilisation d’un visuel sur Zoom et sur Teams pour souligner que nous sommes en moyens de pression;
- Ajout d’un bandeau à notre signature courriel pour afficher notre appui à notre comité de négo;
- Signature et distribution de lettres et de « cadeaux » symboliques aux personnes élues de nos différentes équipes de travail;
- Déploiement d’une bannière « corde à linge » arborant le slogan « Élu-es : Mettez vos culottes » au 4e étage du 1601.
L’urgence d’agir est toujours d’actualité
Ne laissons aucun doute sur l’ampleur de l’urgence à laquelle notre mouvement s’affronte en ce moment.
Il y a encore plusieurs équipes incomplètes à la suite de nombreux postes qui demeurent vacants malgré d’innombrables affichages. Il y a encore des régions et des services pratiquement vidés. Il y a encore un nombre fulgurant de camarades en arrêt de travail, souvent en raison de la surcharge provoquée par les équipes incomplètes. La liste de rappel ne nous permet pas de remplacer nos collègues malades parce qu’elle aussi est encore vide. Il y a encore de nouvelles personnes salariées qui se trouvent avec une grande charge complexe qui les voue à l’échec. Il y a encore des remises ou annulations d’arbitrage en raison des arrêts de travail, donc transférés aux jeunes salarié-es qui viennent à peine de franchir les portes de la CSN.

Rien de ça n’a changé depuis plusieurs années, et l’absence de vision de nos vis-à-vis en matière de ressources humaines se fait durement sentir. Entre 2014 et 2019, il y a eu 31 départs volontaires de notre mouvement. Ce chiffre s’élève déjà à 26 27 pour les 18 derniers mois.
Nous n’avons pas le luxe d’attendre à ce que les choses se placent organiquement. La conjoncture est la meilleure en 2022 pour nous aider à mettre en place des solutions pérennes à cette grande crise sans précédent. Nous avons le devoir de nous donner les outils nécessaires pour y arriver.