Bulletin mentorat, nº 5

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Comment évoluent nos mentoré-es, dont plusieurs ont déjà complété leur phase d’observation ? Qu’en pensent celles et ceux qui ne les quittent pas des yeux ?

Ils parlent de leurs mentoré-es comme des profs commenteraient le développement de leurs élèves. Ou comme des coachs se réjouiraient des performances de leurs athlètes. Au fil des entrevues, les mentor-es du mouvement se révèlent d’une générosité sans borne envers leurs protégé-es. D’une grande admiration, aussi.

Cette disposition, somme toute essentielle au transfert de connaissances, les mentoré-es la leur rendent bien. « Ce désir d’apprendre, cette volonté de comprendre, d’approfondir, puis de transposer les apprentissages vers d’autres dossiers…», semble encore s’étonner Bruno Héroux, mentor à la syndicalisation, en parlant de ses « padawan», comme il les surnomme affectueusement.

Comment évoluent nos mentoré-es, dont plusieurs ont déjà complété leur phase d’observation ? Qu’en pensent celles et ceux qui ne les quittent pas des yeux ?

La piqûre

Catherine Bergeron avait déjà fait une première négociation à titre de conseillère syndicale à la Fédération du commerce avant de pouvoir bénéficier de la phase d’observation du programme de mentorat. « J’avais trouvé ça intéressant, disons, mais quand je l’ai faite avec mon mentor, j’ai eu la piqûre. Parce que mon mentor, il est passionné par la négo, et il a bien réussi à me transmettre ça ! »

Son mentor, c’est Patrick Brunet – et la négociation en question, c’était celle d’une une première convention CSN à l’hôtel Delta de Saguenay. Quand on sait que Patrick a dû commencer à travailler dans les hôtels de Montréal à l’époque où le Québec n’avait pas encore statué sur l’âge minimal pour avoir droit à un T4, on comprend que l’expérience a dû être un brin enrichissante.

« J’ai fait la visite de l’hôtel avec Pat au grand complet. C’est important de s’approprier les lieux de travail. Comprendre qui fait quoi. Comprendre les enjeux bien concrets : les tâches, la charge de travail, les horaires, les enjeux de santé-sécurité sur le plan- cher. Aller voir les gens, leur parler, les écouter », indique Catherine.

« Le mentorat apporte beaucoup de rigueur dans la préparation de mes dossiers, poursuit-elle. C’est important de comprendre le contexte, sa- voir qui est l’employeur, connaître les ramifications de l’entreprise, com- prendre l’organisation du travail, l’assignation des horaires… Il faut comprendre tout ça pour bien analyser notre rapport de force», poursuit-elle.

Catherine Bergeron
Josiane Brochu

Le stress de rater son coup

Josiane Brochu le reconnaît d’emblée : « Faire des erreurs, je n’aime pas ça », admet la conseillère syndicale à la syndicalisation. Mais manquer son coup sur le dépôt d’une requête en accréditation, t’imagines?! Avec pour résultat des gens qui pourraient être exclus de l’éventuel syndicat, sans protection ? »

« Je veux toujours bien faire mon travail, mais quand c’est la première fois que tu fais quelque chose, c’est stressant. Avoir quelqu’un à tes côtés qui peut s’assurer que tu rates pas ta shot, c’est sécurisant. J’ai fait plein d’assemblées générales dans ma vie, mais je n’en avais jamais présidé une avant de devoir m’exécuter… devant les 400 syndiqué-es de Keurig, pour l’assemblée de fondation de leur nouveau syndicat. »

On peut aisément comprendre la pression.

Bien avant la tenue de l’assemblée, Josiane avait pu passer en détail toutes les questions de procédures ainsi que les différentes options de vote afin de s’assurer que tous les membres puissent exercer leur droit de vote. « Bruno avait plein de modèles en tête, les procédures étaient déjà écrites… Mais surtout, à l’assemblée, il était là avec moi. Il pouvait me souffler une réponse au besoin si jamais on se perdait dans les sous-amendements. »

Au cours de l’automne, Josiane a vu deux de ses dépôts être accrédités par le tribunal administratif de travail. « Des dépôts collectifs », prend-elle le soin de souligner.

D’abord le CREW: 2500 auxiliaires de l’enseignement de l’Université Concordia. Puis les 400 travailleuses et travailleurs de l’usine Keurig, qui embouteillent café et autres boissons dans Saint-Michel, à Montréal. Deux syndicats passés à la CSN à la suite de maraudages victorieux.

Pas mal, vous dites ?

« Contrairement aux champs libres, les gens savent très bien de quoi il retourne quand il est question d’un maraudage, fait remarquer Josiane. Les questions du monde sont beau- coup plus pointues. Une chance que le mentor est là! Pour vrai, je ne sais pas si j’aurais été capable sans sa présence… C’est un filet de sécurité extrêmement important. On a pu évaluer ensemble toutes les questions de stratégie, tous les détails concernant les délais et, au final, on a pu évaluer les différentes options possibles. »

Pourtant interviewé séparément, Bruno évoque exactement la même rigueur d’analyse. «À la syndicalisation, tout le travail que tu as fait pendant six mois va se résumer à un seul maudit chiffre, qui va être au-dessus ou en dessous de 50 %. C’est tellement cruel, parce que ça dépend d’une foule de facteurs extérieurs et ça ne rend surtout pas crédit à tout le travail qui a été fait», souligne le conseiller.

« Mon mentor n’a pas de dossiers, il est complètement disponible. C’est un filet de sécurité extrêmement important. Je suis moins stressée dans mon travail.»

« Par contre, il y a toute une série de questions que tu ne peux pas éviter : Est-ce vraiment ça, la liste ? Est-ce qu’il y a un autre département qui va embarquer? Il faut que tu tiennes ta liste à jour, que tu dresses ton scénario catastrophe… et que tu te reposes toujours la même question : “Est-ce que je passe la rampe?” »

Que ce soit pour évaluer notre rap- port de force ou notre capacité à déposer une requête, plusieurs éléments disparates doivent souvent être pris en compte au sein de la même analyse. « Bien sûr, il y a les principes pour lesquels on se bat.

Mais il faut savoir distinguer les principes de justice sociale des assises juridiques sur lesquelles on assoit nos prétentions, rappelle Patrick Brunet. Et ce n’est pas non plus parce qu’on a raison, que ce soit juridiquement ou encore sur la base des principes, que le rapport de force est en notre faveur pour autant.»

« Au bout du compte, la bonne réponse, elle n’existe pas, reprend Bru- no. La bonne analyse, elle, elle existe. Pis si tu la fais au complet, cette analyse-là, ben ta réponse, elle va être bonne. »

Constamment en apprentissage

Avant d’arriver à la CSN, Catherine a exercé plusieurs métiers : elle a été avocate, journaliste à Radio-Canada, conseillère syndicale pour une autre organisation et adjointe politique dans le secteur municipal.

« Mais je n’ai jamais eu une job aussi complexe qu’à la CSN ! », lâche-t-elle.

« Alors bien sûr que c’est exigeant, être mentoré-e : on est tout le temps en apprentissage. Ça nous questionne constamment sur nous-mêmes, sur la façon dont on fait les choses, dont on voit les choses. Moi, à 48 ans, j’ai encore beaucoup à apprendre – alors imagine comment le mentorat est nécessaire pour les plus jeunes, compte tenu de la complexité des connaissances et des compétences qu’on attend de nous.»

Alors, on le devine : « Ça prend de très, très bonnes compétences relationnelles pour être mentor-e. Pa- trick, il adore ses mentoré-es. On voit qu’il est content de nous apprendre, de nous accompagner, de nous aider dans nos négos, de nous transmettre sa passion. Il est capable de nous amener plus loin, parce que justement, il a ces capacités relationnelles là. »

La distance complique-t-elle la relation mentorale? Basée au Saguenay, Catherine est immensément reconnaissante de la disponibilité de son mentor. « Il n’y a pas de télétravail, il nous suit dans nos milieux à nous. Donc, il vient au Saguenay. Tu vas négocier dans le fond du bois ? Il est là. Pour le reste, il y a le téléphone, Patrick est toujours disponible. »

 

Des impacts dans les équipes

Dans les différents bureaux de la CSN, on l’entend de plus en plus: les bénéfices du travail exercé par les mentor-es sont déjà ressentis par les collègues. Les coordinations ont été en partie déchargées du travail de transfert de connaissances de base. « Même quand on a besoin de recourir à la conseillère ou au conseiller en appui à l’arbitrage pour soutenir un mentoré-e, le travail de base a été fait », ajoute Patrick.

La mise en place du programme aura également entraîné, au sein des différentes équipes, d’intéressantes discussions au sujet de nos pratiques de travail.

À la syndicalisation, l’équipe s’est d’abord entendue sur les objectifs à poursuivre auprès des mentoré-es du service. « C’était important pour moi d’avoir l’adhésion de l’équipe, souligne Bruno. En même temps, ça nous a amenés à uniformiser nos façons de faire – ou, du moins, c’est minimalement devenu un sujet de discussion. On peut pas tenter de construire pis toute défaire en même temps, alors on s’est entendus : un pointage, ça se fait de même; une requête, ça se dépose de même. Sans vouloir tout standardiser, ça développe des façons de faire plus consensuelles. »

Du côté du commerce, Patrick accompagne ses mentoré-es dans les différents milieux de travail des syndicats de la fédération, et ce, dans l’ensemble des régions du Québec. Son travail lui permet ainsi de constater divers éléments qui pourraient être améliorés au sein de sa fédération, que ce soit dans la préparation d’une négociation ou dans l’évaluation du rapport de force. Une occasion, aussi, de rebâtir les ponts entre les forces du mouvement, notamment en mettant de l’avant le travail interéquipes.

Bruno Héroux

« La bonne réponse, elle n’existe pas. La bonne analyse, elle, elle existe. Pis si tu la fais au complet, cette analyse-là, ben ta réponse va être bonne. »

Tout le monde a de l’espace pour se parfaire, renchérit Bruno.

« Moi, quand je vois un collègue de 10 ans d’ancienneté avoir l’humilité de venir me voir pour observer, avec mes mentoré-es, une assemblée de fermeture de syndicat parce qu’il n’avait jamais fait ça de sa vie, je me dis que le mentorat est là pour rester ! »

Portraits de mentor-es

Sylvain Deslauriers
Denis Marcoux

Service de santé-sécurité et d’environnement

Souvent dans l’ombre, les conseillères et les conseillers syndicaux du Service de santé-sécurité et d’environnement jouent un rôle clé dans la défense des droits des travailleuses et des travailleurs que nous représentons. Malgré leur expertise bien spécifique, ils sont néanmoins appelés à travailler avec tous les syndicats de la CSN, peu importe le secteur.

« Nous avons pour objectif de transmettre aux personnes qui exercent le rôle-conseil les bonnes pratiques en matière de savoir-faire et de savoir-être pour leur permettre de développer une bonne vision stratégique. Cette vision est nécessaire d’une part pour que les conseillères et les conseillers puissent bénéficier de la confiance des membres et du syndicat, mais aussi pour qu’ils soient respectés par le tribunal… et redoutés par leurs adversaires ! », indiquent Sylvain Deslauriers et Denis Mailloux, mentors du service de santé-sécurité et d’environnement.

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