Nadia Fournier, secrétaire au Service des communications, a une autre vie qui fermente juste sous la surface. Une vie remplie de bouteilles ouvertes, de carnets de notes tachés de rouge et de questions sans fin. Une vie où chaque gorgée devient prétexte à comprendre un peu mieux le monde. Attention, Nadia n’est pas sommelière, « je suis beaucoup trop gaffeuse pour gérer un service en salle », dit-elle en riant, mais chroniqueuse en vin. Une passion qui dure depuis vingt-cinq ans et qui n’a jamais cessé de la surprendre.
Tout a commencé en Europe, sac au dos, lorsque l’argent a manqué. « Pendant les vendanges, les vignerons nous invitaient à déguster… alors j’y allais. » Un jour, en visite de cave, elle refuse un blanc. On la convainc d’y goûter quand même. « Ça a été une claque. Le avant-après. Je n’arrivais pas à comprendre qu’un vin puisse être aussi complexe. » Et là, la machine s’est emballée : curiosité, lectures compulsives, questions à n’en plus finir, au point « de rendre fous tous mes amis ».
Puis un jour, au détour d’une dégustation, elle rencontre Michel Phaneuf, figure incontournable du vin au Québec, auteur du Guide du vin et véritable référence pour des générations d’amateurs et d’amatrices. Il cherche alors une relève. Elle lui parle de ses rêves : voyager, écrire, découvrir. « Je ne voulais pas juste apprendre le vin. Je voulais comprendre pourquoi il existe. » Phaneuf préfère les affinités de pensée aux encyclopédies vivantes, et il la prend sous son aile. Elle n’a pas encore toute l’expertise, mais elle a l’élan — et ça, ça ne s’enseigne pas.

Aujourd’hui, même si ce n’est plus son emploi principal, Nadia sait qu’elle ne quittera jamais vraiment le vin. « Ce qui est dans le verre est intéressant… mais ce qui déborde du verre l’est encore plus. » Elle parle de géographie, de travail humain, de familles de vignerons, de traditions qui traversent les siècles. « Si t’aimes l’humain, tu trouves un terreau incroyablement fertile. »
Et ce qui étonne le plus, c’est à quel point la CSN a reconfiguré sa manière d’approcher cette passion. « Mon travail ici nourrit ma façon d’aborder le vin. Plus que jamais, je vois d’abord le travail du vigneron, la main humaine derrière la bouteille. » Une perspective qui remet de l’ordre dans les priorités. Parce que dans le milieu du vin, on peut vite se prendre très au sérieux. « Pendant 15 ans, je lisais uniquement sur le vin. Chaque molécule, chaque arôme… Et là tu réalises : à la fin d’une vie, ne pas tout savoir… ça ne change pas grand-chose. C’est juste du vin. Ça reste un plaisir. »
Ses fins de semaine ressemblent à une petite fête permanente : plusieurs bouteilles ouvertes, des amis autour, des rires qui coulent autant que les verres. « Je réalise que dès qu’on me pose une question, je m’emballe. Ça me fascine encore. Ça me rend heureuse. Avoir une passion, surtout une passion de partage, c’est précieux. »
Et c’est peut-être ça, finalement, la signature de Nadia : transformer un liquide millénaire en pont entre les gens. Entre un terroir et une table, entre un vigneron et une communauté, entre sa vie d’avant et celle d’ici. /
Parce qu’au fond, le vin est tout aussi une langue. Et Nadia, elle, la parle avec les yeux qui brillent.