Le mentorat, ça consolide les équipes
Quand le mentorat donne lieu à des initiatives aussi intéressantes que celles qui prennent forme dans le mouvement présentement, on se dit qu’on serait fou de ne pas en parler ici.
On l’a dit et répété ad nauseam tellement l’évidence sautait aux yeux : l’accompagnement rendu possible par le programme de mentorat facilite grandement l’intégration de nos nouveaux et de nos nouvelles collègues. Sur le plan technique, certes, mais aussi sur le plan humain, en réduisant considérablement le stress lié à aux premiers contacts avec l’emploi. Ce dont on discute moins, mais qui commence à poindre un peu partout, ce sont ces nouveaux projets qui se mettent en place depuis qu’une vingtaine de conseillères et de conseillers syndicaux ont été libérés de leur charge de travail pour agir à titre de mentor-es. Si l’accompagnement individuel occupe une place prépondérante de leur travail, la recension et le partage de nos meilleures pratiques nourrissent également de nombreuses réflexions. Quand celles-ci donnent lieu à des initiatives aussi intéressantes que celles prenant forme dans le mouvement, on se dit qu’on serait fou de ne pas en parler ici.
Les midis-causeries de la défense
Au Service de santé, sécurité et d’environnement, le nombre de mentoré-es avoisine la moitié de l’équipe. Les membres de cette équipe étant appelés à jongler avec des sujets plutôt spécialisés et une jurisprudence qui évolue rapidement, leurs deux mentors, Sylvain Deslauriers et Denis Mailloux, ont cru bon creuser certaines questions plus pointues.
« Tous les deux mois, on organise un midi-causerie pour tous les membres de l’équipe. C’est surtout Denis qui planche sur certains sujets avec les mentoré-es et qui prépare les contenus », souligne Sylvain, bon joueur.
Les sujets abordés sont à l’image du service : principe d’aggravation d’une condition personnelle préexistante, théorie du remplacement à la suite d’un avis du tribunal, actualisation d’un dossier médical… « On travaille sur des sujets ciblés », concède Sylvain.
Avant chaque midi-causerie, une trousse est préparée à l’attention des mentoré-es… et des plus vieux en ancienneté, toujours nombreux à y prendre part. Dans un même document, on y trouve toute la documentation, incluant bien sûr la jurisprudence pertinente.
« On s’occupe de faire la présentation d’ouverture, on donne le contenu, mais on tente rapidement de s’effacer pour laisser toute la place aux échanges », explique Sylvain.
« On ouvre la discussion afin que les mentoré-es puissent intervenir et poser des questions, mais aussi pour que les plus anciens puissent partager leurs expériences. Ça permet de discuter, de développer des stratégies. Au cours des échanges, on entend souvent quelqu’un dire ‘‘ah bien tiens, j’ai un dossier similaire, je vais aller te voir !’’ C’est un autre lieu de discussion que les réunions d’équipe, et c’est très bénéfique.»
Déjà cinq midis-causeries ont été tenus. « On a constaté une meilleure adhésion à l’équipe », remarque Sylvain.
Avoir son monde à cœur
« C’est très inspirant les initiatives prises dans les autres équipes », glisse Catherine Proulx, mentore de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN).
Elle se réjouit de pouvoir rencontrer les mentor-es des autres équipes de façon régulière au forum des mentor-es.
« Le mentorat, c’est justement une occasion de réfléchir à nos pratiques, d’identifier les lacunes et de mettre des solutions en place. Quand on est plusieurs à constater les mêmes choses, on se le partage et puis les choses se mettent en place », s’enthousiasme-t-elle.
Catherine donne l’exemple d’une toute nouvelle formation offerte par le Service des ressources humaines et de la formation.
« On s’est rendu compte que ce n’est pas un automatisme, pour les nouvelles et nouveaux, de faire une recherche de jurisprudence. Souvent, ils vont nous dire qu’ils ne trouvent jamais ce qu’ils veulent parce que leurs recherches leur donnent beaucoup trop de résultats… »
« On n’était pas la seule fédération à faire ce constat, poursuit-elle. On avait une formation ‘‘recherche de jurisprudence’’, mais elle n’était pas à jour. On a tout revu ça, les gens de la formation ont adapté le contenu et maintenant, la formation est disponible pour tout le monde. »
Catherine se rappelle ses premières années à titre de conseillère syndicale. « J’ai bien sûr fini par être capable de faire ces recherches. Mais j’en ai-tu perdu du temps pour arriver à mes fins ?! », blague-t-elle.
Plus sérieusement, elle reprend : « À la CSN, on a à cœur notre monde. Il me semble qu’on devrait avoir tout ce dont on a besoin pour défendre nos membres de la meilleure façon possible, non ? »
Depuis quelques mois, en plus de son travail d’accompagnement individuel d’un grand nombre mentoré-es, Catherine Proulx poursuit le travail entrepris par sa collègue mentore, Julia Bendavid, en consolidant au sein d’un même guide l’ensemble des outils essentiels aux personnes occupant un poste de conseillère ou de conseiller syndical à la FSSS–CSN.
On s’entend : ce « guide d’accueil » suivra les nouvelles conseillères et les nouveaux conseillers syndicaux beaucoup plus longtemps que seulement lors de leur première journée de travail. « Il faut qu’ils puissent savoir à qui s’adresser. On retrouve la structure politique, mais également la liste des personnes responsables des différents mandats nationaux, la documentation spécifique à ces mandats, les conventions, les régimes d’assurances. Il y a des calculateurs aussi… »
« On veut ajouter tous les outils essentiels, par liens cliquables, secteur par secteur. Bien sûr, il y a les conventions, mais aussi les lois applicables ! Quand tu travailles avec les syndicats de CPE, connaître les règles budgétaires qui vont dicter le cadre financier de l’employeur, c’est pas mal essentiel dans ta job, non ? »
Évidemment, toute cette information existe quelque part. Le travail de recension est néanmoins gigantesque et les mises à jour nécessaires, nombreuses. Quant aux méthodes de classement, il est peu dire qu’elles peuvent varier d’une équipe à l’autre… « On est encore à l’étape des constats », s’empresse de relativiser Catherine. N’empêche, le travail est bel et bien amorcé : les mentor-es de la fédération se rencontrent sur une base régulière, avec la conseillère responsable de la formation de la fédération, Nadine Rozon, afin de cerner les besoins et de mettre à jour un maximum d’outils pertinents.
« L’objectif est de partager ces outils le plus rapidement possible et, éventuellement, de les rendre accessibles à tout le mouvement par l’entremise du Guide de travail interfédérations », souligne Catherine Proulx.
« Il faut que les mentoré-es sachent que ça existe, qu’ils puissent savoir comment trouver ce dont ils ont besoin et qu’ils soient autonomes dans leur travail. »
Partage d’expériences
Au Service d’appui aux mobilisations et à la vie régionale (SAMVR), les défis sont également nombreux : quatre mentor-es sont responsables de l’intégration d’environ 30 mentoré-es, disséminés aux quatre coins du Québec.
«Ça va bien, on a trouvé notre erre d’aller !», mentionne Émilie Jean, l’une des mentores de l’équipe. « On a appris à bien se déployer, malgré notre grand territoire et l’imprévisibilité de notre charge de travail. »
Le territoire, elle connaît, elle qui a sillonné la Gaspésie et son Saguenay natal.
Pour surmonter ce défi, c’est l’équipe entière qui a contribué à la création d’un réseau d’observation : des conseillers et des conseillères d’expérience se rendent disponibles lorsqu’ils exécutent certaines tâches critiques afin que les mentoré-es puissent les accompagner.
En plus de multiplier les opportunités d’observation, « ça permet aux mentoré-es de voir à l’oeuvre des conseillers de tous horizons plutôt que de suivre Émilie-qui-fait-toujours-les-choses-de-la-même-façon. Ça leur permet de mieux trouver leur approche », souligne-t-elle.
Des fiches d’observation ont été développées par les mentor-es afin de faciliter le suivi par la suite. « Au début, les mentoré-es partaient en observation et me disaient en revenant que ‘‘c’était ben l’fun !’’. Mais moi, je ne pouvais pas savoir s’ils avaient observé ce que je voulais, s’ils avaient retenu quelque chose ! Cette fiche aide à mieux les accompagner. »
Depuis près d’un an, une journée entière est consacrée aux mentoré-es en marge des réunions nationales de l’équipe du SAMVR.
En juin dernier, les mentor-es de l’équipe ont invité quelques mentoré-es à présenter un bon coup. Une réalisation accomplie dans leur travail dont ils sont fiers.
L’objectif n’était pas tant de les placer sous les projecteurs, mais plutôt de susciter la discussion. Les bons coups n’arrivent jamais par hasard : quelles leçons peut-on tirer de ces expériences ?
Le travail de planification effectué en amont a été souligné par nombre de participantes et de participants. Émilie ne s’en surprend pas.
« On est dans un monde d’imprévus. Tout ce qu’on peut prévoir, le matériel, par exemple, quand on a une grosse action à organiser, c’est sûr que ça aide à ne rien oublier. De là l’importance d’utiliser les guides ! », souligne-t-elle.
« Même si les dossiers sont tous différents, la planification est primordiale, ajoute Émilie. Ça te prend un plan de travail, c’est beaucoup ressorti dans les présentations des mentoré-es. »
La connaissance et l’adaptation par les mentoré-es des outils à leur disposition ont également été soulignées à grands traits comme gage de succès. « Quand on connaît les outils, on est capable de les adapter à différents contextes. Pour les formations, on peut s’approprier les documents: parfois, c’est tellement généraliste qu’il faut être en mesure de bien cibler nos secteurs d’activité », mentionne la mentore du Saguenay.
En partageant leurs expériences, les nouveaux et les nouvelles gagnent en confiance. « Il faut qu’ils puissent prendre leur place, assumer leurs positions et les défendre. C’est là que les discussions deviennent intéressantes : on peut s’appuyer et se partager des trucs pour mieux jouer notre rôle-conseil. »
Riches en enseignements, ces journées d’ateliers consacrées aux mentoré-es favorisent grandement le développement de l’équipe, considère Émilie.
« Et ça leur permet surtout de réaliser à quel point ils ont accompli beaucoup de choses dans un court laps de temps. Et ça, c’est bon pour la confiance », sourit Émilie au bout du compte.
Portrait d’un mentor-e
FIM-CSN
Il y a bien longtemps, j’ai pu bénéficier de l’incroyable opportunité que la CSN offre à ses membres : celle de pouvoir gagner sa vie à militer. J’étais immensément reconnaissant d’avoir cette chance de partager mon engagement avec des syndicats de travailleuses et de travailleurs membres de la CSN.
Toutefois, je dois reconnaître que l’accueil lors de mon arrivée fut des plus sommaires. On m’a donné une clef du bureau, je suis entré dans un tourbillon et je ne suis retombé sur mes pieds que 18 mois plus tard.
Une période de fou, je vous dis. Une année à apprendre le fonctionnement de la CSN et les conventions collectives de mes syndicats, une année à parfaire mes connaissances au bénéfice des travailleuses et des travailleurs que je représentais. Et 20 ans plus tard, j’apprends toujours.
Notre travail aujourd’hui est immensément plus complexe qu’à mon arrivée. Connaître la CSN, aborder le travail interéquipe, appréhender des relations de travail de plus en plus judiciarisées, gérer son agenda et composer avec les comportements difficiles représentent des défis immenses pour nos nouveaux collègues. Nos mentoré-es sont des personnes de grande valeur dont il faut prendre soin. Nous les avons choisis. Nous ne pouvons pas nous permettre de les perdre.
J’espère humblement que ma disponibilité, mon écoute, mon expérience et mon engagement à soutenir mes mentoré-es feront en sorte que leur arrivée soit moins chaotique que la mienne, tout en leur permettant de trouver rapidement leur place dans notre mouvement. À mes yeux, le programme de mentorat est ce qui fait de la CSN un employeur de marque.