En 2021, Sarah Smith, aujourd’hui conseillère à la FNEEQ, reçoit un avis de reprise de logement. Comme tant d’autres locataires à Montréal, elle se retrouve confrontée à une procédure qui favorise les propriétaires et qui, bien souvent, force les gens à quitter leur quartier, leur réseau, leur mode de vie. Mais Sarah et son conjoint Simon, cinéaste, refusent de céder sans se battre. En pleine crise du logement, iels décident de documenter leur combat, caméra à la main, pour montrer ce que cela signifie, concrètement, de se faire évincer dans un marché immobilier devenu impitoyable.
« On entend parler de la crise du logement, des reprises de logements, des évictions, mais tant qu’on ne le vit pas soi-même, ça reste abstrait. On voulait montrer, jour après jour, ce que ça signifie réellement d’être pris là-dedans.»
Dès la réception de l’avis, la tension s’installe. Trouver un nouveau logement à Montréal en 2021 relève de l’exploit. À ce moment-là, Simon est dans une période creuse : il a moins de contrats en tant que cinéaste et peut consacrer du temps à documenter leur propre situation. L’idée du film Chronique d’une crise naît ainsi, non pas comme un projet prémédité, mais comme une tentative de garder la tête hors de l’eau.
Dans leur lutte pour garder un toit à un prix raisonnable, Sarah et Simon utilisent l’un des seuls outils légaux à la disposition des locataires : la clause G du bail. Cette section, souvent laissée vide par les propriétaires, oblige pourtant ces derniers à indiquer le loyer payé dans les 12 mois précédents. Si elle n’est pas remplie, que l’information est fausse ou que la hausse proposée est abusive, le locataire peut demander une fixation de loyer au Tribunal administratif du logement.
« Même avec toutes les ressources à notre disposition, même en comprenant nos droits, c’était incroyablement ardu. La procédure est longue, obscure, conçue pour décourager les locataires de se battre. Il faut s’accrocher, se battre pour chaque petite victoire. On a souvent eu l’impression qu’on nous forçait à abandonner. »
Leur démarche ne mène pas à une victoire éclatante, mais à une démonstration implacable de la difficulté du système. Si une avocate comme Sarah trouve le processus épuisant, comment une personne seule, sans appui, peut-elle espérer s’en sortir? Plus qu’un témoignage personnel, Chronique d’une crise devient une mise en accusation d’un système qui ne fonctionne pas pour celles et ceux qui ont besoin d’un logement, mais pour celles et ceux qui en font un placement.
« On parle de crise, mais ce n’est pas une anomalie ou un problème temporaire. C’est le fonctionnement idéal du système capitaliste appliqué au logement. La machine roule exactement comme elle est censée rouler—et c’est ça le problème. »
Aujourd’hui, Sarah poursuit son engagement militant en tant que conseillère à la FNEEQ, continuant de lutter pour des conditions de vie et de travail dignes. Son histoire et celle de Simon résonnent bien au-delà de leur propre parcours, et la CSN ainsi que le STTCSN travaillent à organiser une projection du documentaire au 1601 de Lorimier dans les prochains mois. Parce que ce combat, Sarah et Simon ne l’ont pas mené seuls, et il est loin d’être terminé.