Un détour solidaire

Lorsqu’elle franchit les portes de l’épicerie solidaire Le Détour, à Pointe-Saint-Charles, un quartier de Montréal, Geneviève Lambert-Pilotte n’est pas seulement une cliente. Conseillère à l’information au CCMM-CSN, militante engagée et mère de deux enfants, elle est aussi une des membres fondatrices de cette coopérative autogérée qui a révolutionné l’accès à l’alimentation dans le sud du quartier. 

«En 2018, avant même que Le Détour n’ouvre ses portes, j’étais la 37e à m’inscrire comme membre. Aujourd’hui, nous sommes plus de 1200, et c’est incroyable de voir tout ce qu’on a bâti collectivement.» Pour Geneviève, Le Détour n’est pas qu’une épicerie, c’est une réponse concrète à un problème bien réel : le sud de Pointe-Saint-Charles était un véritable désert alimentaire. «L’unique épicerie était un IGA, et pas n’importe lequel : un des plus chers à Montréal. Les gens avaient peu d’options, et pour certains, c’était impossible de se déplacer ou encore de s’alimenter correctement, surtout en fin de mois.» 

Le Détour s’est donc donné pour mission de briser cet isolement alimentaire. Approvisionnement en circuit court, produits accessibles et prix justes : chaque aspect du projet est pensé pour que tout le monde puisse remplir son panier. «Le Détour, c’est bien plus qu’une épicerie, ajoute Geneviève. C’est un projet où ce sont les membres qui participent aux décisions collectives de l’épicerie. C’est un projet qui crée des liens entre les voisins, un beau tissu social et un sentiment d’appartenance. En répondant à un besoin de base comme l’alimentation, on bâtit aussi une véritable communauté.» 

Au-delà des produits sur les tablettes, l’épicerie est aussi un lieu de rencontre, un troisième lieu au cœur du quartier. Quelques petites tables invitent les gens à s’y attarder, à prendre un café, à discuter. «Chaque fois que je vais faire mon épicerie, je croise des gens que je connais. Je prends des nouvelles, j’échange. Ce n’est pas juste un endroit où on achète de la nourriture. C’est un lieu où la proximité et la solidarité prennent tout leur sens.» 

Geneviève souligne aussi quun des aspects qui la rend le plus fière est que l’épicerie est un rare nouvel espace où les populations traditionnelles de Pointe-Saint-Charles se sentent vraiment à l’aise.’’  On a réussi à créer un endroit où toutes les générations et toutes les réalités sociales se croisent. Ce n’est pas évident dans un quartier marqué par la gentrification.» 

Le projet du Détour est intrinsèquement lié à celui du Bâtiment 7, un espace autogéré issu d’une longue lutte citoyenne, à laquelle elle a également participé. «Ce terrain, on l’a récupéré grâce à des mobilisations qui ont duré plus de 10 ans, raconte Geneviève. Et aujourd’hui, il abrite non seulement Le Détour, mais aussi une foule d’autres projets qui redonnent au quartier son caractère de lieu de lutte et de résilience.» 

Entre son rôle de conseillère syndicale et son engagement communautaire, Geneviève trouve encore le temps de faire ses trois heures de bénévolat mensuel au Détour. «Mes enfants s’impliquent aussi, et elles adorent. Pour moi, c’est une façon concrète de leur transmettre des valeurs de solidarité et d’entraide.» 

Avec des membres comme Geneviève, Le Détour n’est pas qu’une épicerie. C’est un symbole puissant de la capacité d’un quartier à se mobiliser, à créer des solutions collectives et à réinventer les liens entre les gens. 

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